Impact de l'introduction de poissons rouges (Carassius auratus) sur des populations dimorphiques de tritons palmés (Lissotriton helveticus) vivant dans des mares du Larzac (France)

Abstract

Les populations d’amphibiens sont fortement en déclin mondialement. En plus d’un déclin au niveau des espèces, il y a une perte de la diversité intraspécifique. C’est le cas pour la pédomorphose facultative chez les urodèles. La pédomorphose facultative est un polyphénisme où des individus, les pédomorphes, gardent certains caractères larvaires à l’âge adulte, contrairement aux métamorphes qui se métamorphosent et acquièrent des caractères adaptés à la vie terrestre. Une des raisons expliquant l’existence et le maintien de la pédomorphose facultative est le partage des ressources entre les deux phénotypes. Les populations contenant des pédomorphes se font de plus en plus rares, et l’une des causes est l’introduction d’espèces exotiques dans l’habitat aquatique. Les pédomorphes disparaissent systématiquement des habitats où sont introduits des poissons tandis que les métamorphes subsistent parfois. Le but de ce mémoire était d’étudier l’impact de l’introduction du poisson rouge <i>Carassius auratus</i> sur les populations dimorphiques de tritons palmés <i>Lissotriton helveticus</i> vivant dans des mares au Larzac (France), et d’essayer de comprendre pourquoi les pédomorphes sont plus menacés. L’hypothèse générale était que les poissons modifient la structure de l’habitat et diminuent la richesse spécifique des invertébrés des mares nécessaires à l’alimentation des tritons. L’abondance et la diversité des invertébrés présents dans quatre mares dépourvues de poissons et quatre mares contenant des poissons ont été comparées, ainsi que la structure de leur habitat. Les mares contenant des poissons ne contenaient plus de tritons. L’évolution des communautés d’une mare avant et après l’introduction de poissons a également été suivie. Afin de savoir si le partage des ressources existant entre les métamorphes et pédomorphes était modifié par la présence de poissons, ce qui pourrait être néfaste aux pédomorphes, le régime alimentaire des métamorphes et des pédomorphes a été comparé dans une mare avant et quelques mois après l’introduction de poissons. Le régime alimentaire des tritons métamorphes et pédomorphes de deux mares dépourvues de poissons a également été comparé. La diversité et l’abondance des macro-invertébrés étaient nettement diminuées dans les mares à poissons. La végétation aquatique était absente de ces mares et l’eau, plus trouble, était de couleur verdâtre. Au niveau du zooplancton, les Daphniidae, abondants dans les mares dépourvues de poissons, avaient été remplacés par des Chydoridae dans plusieurs mares à poissons. Dans la mare où des poissons avaient été récemment introduits, l’abondance de plusieurs taxons avait significativement diminué et un taxon relativement abondant avant l’introduction avait disparu. Le régime alimentaire des tritons dimorphiques était significativement différent pour les mares dépourvues de poissons tandis qu’il ne l’était pas dans la mare où des poissons avaient récemment été introduits. Ainsi, il semble que les tritons disparaissent des mares où <i>C. auratus</i> est introduit, notamment parce qu’il provoque une forte diminution des ressources trophiques nécessaires aux tritons. La disparition de la végétation y joue un rôle important. Dans les premiers temps de l’introduction, il est possible que l’introduction des poissons perturbe l’équilibre trophique et diminue le partage des ressources entre les tritons palmés dimorphiques, ce qui serait défavorable aux pédomorphes. Des mesures contre l’introduction de poissons devraient être prises, en particulier dans les zones contenant des pédomorphes. Les poissons introduits devraient également être retirés afin de permettre la résilience des tritons palmés.