Évolution de la capacité d'accueil (paysagère) du Tétras lyre dans les Hautes Fagnes depuis les années 1950 jusqu'à maintenant

Abstract

Les populations de Tétras lyres d’Europe centrale sont en déclin (Ciach, 2015 ; Storch, 2007b). Plusieurs causes en sont à l’origine, mais la dégradation de son habitat est considérée comme la cause principale (Angelstam, 1988 ; Ludwig et al., 2009a, 2009b ; Pearce-Higgins et al., 2007 ; Strand et al., 2014). De même, dans les Hautes Fagnes, une zone naturelle protégée, le Tétras lyre subit un déclin depuis 1993 (Delcourt et al., 2019, 2023,). Il s’agit d’une espèce exigeante qui affectionne les habitats de transition entre milieux ouverts et forestiers (Loneux et al., 2004 ; Tost et al., 2022). Les éricacées jouent un rôle central dans sa survie (Ruwet et al., 1997), ainsi que les zones de bouleaux et de linaigrettes (Ruwet et al., 1997 ; Keulen et al., 1997 ; Renard, 1988). Les Hautes Fagnes (à l’est de la province de Liège) ont subi différents changements subtils dans leur paysage au cours du temps et ces changements ont grandement impacté le Tétras lyre (Nekrassoff, 2007). C’est pourquoi cette étude vise à évaluer l’évolution de l’habitat du Tétras lyre dans les Hautes Fagnes depuis 1950 jusqu’à nos jours (2022). Plus précisément, notre étude se focalise sur les Fagnes des Deux-Séries, la Grande Fange, la Fagne Wallonne et la Fagne de Cléfaye, la zone accueillant le noyau principal de la population de Tétras lyre ces 70 dernières années. Pour ce faire, les données cartographiques et orthophotos plans disponibles ont été utilisés et traités avec le logiciel QGIS. Une analyse de la fragmentation des diverses zones de végétation a également été réalisée à l’aide du logiciel Fragstat. Différentes mesures permettant d’évaluer cette fragmentation ont été utilisées : le nombre de patchs, la surface moyenne des patchs, la distance moyenne entre les patchs et l’indice d’agrégation. Les résultats obtenus indiquent une dégradation progressive du milieu principalement causée par l’expansion des zones de molinies au détriment des zones d’éricacées et de linaigrettes. Cependant, nous ne pouvons exclure que la forte augmentation de la fragmentation constatée et la diminution de certains types d’habitat soit une conséquence du degré de précision limité des anciennes cartes. Une faible proportion de bouleaux dans l’habitat de l’ensemble de la zone étudiée a également été mise en évidence. Néanmoins, grâce aux travaux réalisés pendant le Projet LIFE (2007-2011) (Les amis de la Fagne, 2012), une ouverture du milieu a été constatée. Les conclusions de cette étude tendent vers une dégradation de l’habitat du Tétras lyre dans les Hautes Fagnes entre 1950 et actuellement, bien que certaines caractéristiques de l’habitat aient été améliorées. À l’avenir, il conviendrait de limiter la propagation de la molinie voire même de restaurer d’autres habitats au dépend de cette molinie et de maintenir un gradient d’ouverture aux lisières forestières tout en maintenant des zones de faible densité d’arbres avec des arbres solitaires au sein des zones de Fagnes (Tost et al., 2022).