Le circuit court comme mode de commercialisation : Quels défis pour les agriculteurs et producteurs wallons ?

Abstract

Parmi les défis majeurs du XXIe siècle figure la sécurité alimentaire. L’enjeu consiste à nourrir une population croissante avec des ressources qui s’amenuisent de manière permanente. Même si la révolution verte des années 60 et 70 du siècle passé a en quelque sorte permis de contrer les thèses malthusiennes, il faut constater que les conséquences pour les petites exploitations et l’environnement étaient lourdes. En même temps, des crises sanitaires et alimentaires provoquées par le système alimentaire dit conventionnel sèment régulièrement le doute à l’égard de ce mode de production industriel. En conséquence, un nombre croissant de consommateurs semble préoccupé par des questions qui portent sur la manière de produire et de distribuer les denrées alimentaires. C’est la raison pour laquelle on constate aujourd’hui un intérêt grandissant pour les systèmes alimentaires dits alternatifs dont font partie les circuits courts alimentaires. Un circuit court alimentaire est un système de distribution et de consommation au sein d’un espace géographique restreint qui se caractérise notamment par l’absence de tout intermédiaire, voire par un nombre d’intermédiaires minimal, entre le producteur et le consommateur. Ce rapprochement géographique, mais aussi relationnel, permet aux ménages de rétablir la confiance dans les produits et le producteur. La commercialisation en circuit court présente aussi aux producteurs des perspectives et avantages au niveau économique. La reprise du contrôle sur l’outil de distribution permet de mieux valoriser des produits hautement différenciés, ce qui se traduit, en théorie, par une augmentation du revenu. De plus, la commercialisation en circuit court renforce, grâce à l’effet multiplicateur, l’économie rurale. En outre, on peut admettre que les modes de production durables auxquels recourent les producteurs engagés dans une logique de circuit court ont un impact positif sur l’environnement. Si les tenants des circuits courts associent de nombreux avantages aux circuits courts, il faut aussi remarquer que la reprise de la vente des produits et de la logistique implique aussi des défis pour le producteur. Outre des obstacles comme l’accès à la terre et l’importance du capital qui doit être engagé, il y a des difficultés plus spécifiques liées à la commercialisation en circuit court. D’abord, les agriculteurs et producteurs qui souhaitent transformer leurs matières agricoles primaires doivent respecter la législation alimentaire. Ensuite, reprendre la vente de leurs produits contraint les producteurs à organiser la communication et le marketing, ce qui les oblige à développer des compétences nouvelles et à libérer du temps supplémentaire dans leurs journées déjà bien chargées. L’organisation de la distribution de la marchandise demande aussi un engagement important de la part du producteur. Tous les acteurs rencontrés étaient d’accord sur ce point : un intermédiaire peut soutenir les agriculteurs et producteurs dans la commercialisation, notamment en assumant l’aspect de la communication et de la logistique. Par contre, le débat sur la définition et la « nature » de l’intermédiaire est controversé. D’abord, tout opérateur intervenant dans la chaîne alimentaire peut être considéré comme intermédiaire potentiel. Pour éviter de priver certaines chaînes alimentaires de la qualification « circuit court », il faut s’abstenir de limiter à un seul le nombre maximal d’intermédiaires qu’un circuit court peut connaître. Ensuite, la perception du rôle de l’intermédiaire varie en fonction des acteurs interrogés. Pour certains d’entre eux, les intermédiaires commerciaux comme les grandes surfaces peuvent constituer un moyen de rendre les produits locaux plus accessibles aux consommateurs. De plus, les intermédiaires offrent un débouché pour le producteur et peuvent l’encourager à se professionnaliser. Pour d’autres, les intermédiaires commerciaux présentent un risque dans la mesure où les producteurs ayant regagné le contrôle sur l’outil de distribution risquent de le perdre à nouveau. Seuls les intermédiaires contrôlés par les producteurs seraient ainsi dans la situation de les mettre à l’abri des pressions exercées par le système conventionnel. Pour contrecarrer le risque de passer en dépendance à l’égard d’un intermédiaire, il est important pour les producteurs de diversifier leurs canaux de distribution. Enfin, il faut éviter d’idéaliser les circuits courts. Même si les tenants de ceux-ci présentent ce mode de commercialisation en opposition totale avec les filières longues, il faut constater une certaine articulation entre les deux. Les circuits courts se présentent donc moins comme une alternative, mais plutôt comme étant complémentaires aux filières longues. Cependant, il ne faut pas nier l’impact de ce mode de production et de distribution. Même si la réflexion de ce mémoire portait sur la manière de produire et de distribuer les denrées alimentaires, il ne faut pas oublier l’autre côté de la médaille : le questionnement sur la manière de consommer. Ainsi, les circuits courts peuvent constituer « le point d’entrée pour accompagner la transition vers des systèmes plus durables » (Fontaine Philippe, « Au long des circuits courts », INRA : SCIENCE & IMPACT, 3 juillet 2017. Disponible à l’adresse suivante. <http://jobs.inra.fr/Nos-metiers/Portraits/yuna-chiffoleau>).