La route paysagère, un produit de reconnexion territorial légitime, performant et reproductible ?

Abstract

De par son expertise en matière de paysage, l’architecte paysagiste est de plus en plus souvent amené à accompagner une dynamique publique de reconnection au territoire par le biais de paysages identitaires sélectionnés. Si le modèle d’aménagement urbain que nous pratiquons en ville depuis quelques années est maintenant bien rodé, il n’en va pas de même pour les espaces naturels ou ruraux, où la nécessité de mettre en relation paysages et territoires devient une préoccupation partagée par aménageurs et habitants. Ceci est particulièrement vrai dans le cadre des parcs naturels où territoire et paysages entrent en relation, et qui sont des laboratoires d’expérimentations nouvelles en matière de politique paysagère. Il me semble opportun de s’interroger sur les outils novateurs qui émergent pour accomplir cette mission et l’expérience d’une route à vocation paysagère semble prometteuse à cet effet : La Route paysagère du Parc naturel des Plaines de l’Escaut fait figure de pionnière dans son domaine et en 2010, le projet a été distingué comme lauréat du prix Paysage décerné par la Région Wallonne à l’ini- tiative du Conseil de l’Europe. Ce seul véritable exemple de route Paysagère, sorte de prototype mis en place de manière empirique, constitue-t-il un nouvel outil légitime et performant et facilement reproductible de reconnection au territoire par le biais de ses paysages? L’élément central de la Route paysagère est le support qui la porte, la route, qui sera le fil conducteur logique de notre recherche. Alors que l’espace parcouru quotidiennement pour nos déplacements ne fait que croître, force est de constater que le temps passé sur la route est une composante importante de la vie moderne et que cette dernière peut constituer un vecteur de découverte privilégié du territoire et des paysages qui lui sont associés. Notre territoire est en effet aujourd’hui densément scarifié d’un réseau routier toujours plus étoffé qui pourrait porter de multiples expériences paysagères. Au sein de cette recherche, nous allons d’abord établir les interactions entre route et territoire, route et paysage afin de déterminer quelle pertinence présenterait une route « paysagère » à notre époque. Qu’en est-il de la légitimité historique de la route à tisser des rapports avec le territoire? Quel est son potentiel pour révéler les paysages qu’elle traverse et qui sont les marqueurs d’identité du territoire qui les portent ? Historiquement, la route a toujours entretenu des rapports étroits avec le territoire, soit en l’accompagnant dans ses mutations soit en le fracturant pour le remodeler de façon arbitraire. En corollaire de son implantation, un important travail de cartographie du milieu dans lequel la route allait s’implanter a donné la image civile fiable du territoire ainsi qu’un embryon de représentation du paysage environnant. Entre territoire et paysage, l’histoire place la route comme élément structurant important. Le mouvement induit par la locomotion compose un regard nouveau sur le paysage qui gagne en fluidité, en lisibilité et s’émancipe de la vision artificielle véhiculée par l’art depuis la Renaissance.

Le tourisme automobile dès ses débuts a exploité ce potentiel de découverte des espaces traver- sés en instituant des circuits touristiques qui se multiplient rapidement à travers l’Europe. quels sont les enseignements que la route paysagère peut tirer de ces derniers? S’il existe effectivement à l’heure actuelle une multitude de circuits à thème, leur finalité est sensiblement diffé- rente. Mais ils présentent des similitudes techniques intéressantes pour notre recherche et vont nous servir de référence pour structurer la conception de route paysagère et pallier à ses lacunes en matière de reproductivité. Sur la base des routes touristiques et des stratégies de marketing territorial qu’elles utilisent, le «produit» route paysagère pourrait à ce titre bénéficier d’une démarche rationnelle d’optimisation dans sa phase de conception pour améliorer son efficience en matière de résultat.